Mariage moderne (08/27)

Il était tard, presque minuit, et elle travaillait le lendemain. Elle dormit sereinement, ce soir-là, sans mari. Elle ralluma cette messagerie instantanée dès son lever, pour relire l’échange avec Vincent. Elle le trouvait séduisant, dans les mots qu’il employait, dans sa façon de s’exprimer. Il ne demandait rien, il n’imposait jamais rien. Il était patient, et attentionné. Elle eut tout de même quelques scrupules. Elle, la femme fidèle et amoureuse, elle se faisait draguer par un autre homme. À son initiative même. Et puis, elle faisait miroiter à cet homme des espoirs qu’elle n’était pas prête à lui offrir. Elle se raisonna en se disant que Vincent était un homme brillant, et intelligent. Les contacts virtuels, il devait en avoir eu des tas, avant elle. Et tous ne s’étaient certainement pas conclus par une rencontre. Des actes peut-être, pourquoi pas ? Elle salua son nouvel ami avant d’aller prendre sa douche. Une réponse laconique l’attendait sur la messagerie, à son retour dans la cuisine. Elle partit travailler, l’esprit léger. Ses collègues la trouvèrent changée, sans pouvoir dire exactement ce qui avait évolué dans son comportement. C’est l’une des ingénieures du bureau d’études, Sandrine, qui s’approcha le plus de la vérité. C’est en prenant un café ensemble qu’elle lui fit cette remarque.

« Tu es rayonnante, ce matin. Tu sembles beaucoup plus sûre de toi. Plus conquérante. Plus dominatrice.  »

La seule réponse de Nadège fut un large sourire. Sandrine était célibataire, et elle tenait à le rester le plus longtemps possible. C’était également une dominante, dans ses relations personnelles, comme dans son travail. Pour s’imposer, dans un milieu essentiellement masculin, elle avait acquis des certitudes. Il vaut mieux commander qu’être commandée. Règle qu’elle appliquait aussi avec les hommes de rencontre. Elle avait connu des femmes aussi, ou plutôt des jeunes filles lorsqu’elle était elle-même étudiante. Elle avait compris, depuis ce temps-là que, ce qui la faisait vibrer, c’était la Domination. Homme ou femme, peu importe. C’était une drogue qui faisait partie intégrante de ses gènes. Depuis l’université, uniquement des hommes. Certains étaient patrons, respectés par leurs employés, et c’était elle qui les dirigeait. Pour un moment d’extase. Et c’est en voyant le petit sourire mystérieux de Nadège qu’elle se remit à penser à une relation saphique. Son amie, qu’elle pensait réservée et timide, pourrait bien devenir sa prochaine proie. Elle avait toujours réussi à avoir les hommes qu’elle désirait. Et à ses conditions à elle. Pas question de relation vanille, de rendez-vous romantiques. Attirer Nadège entre ses griffes devint un nouveau challenge. Elle savait que cela ne serait pas aisé, mais elle avait de l’expérience en la matière. Et cette petite ingénue la faisait vraiment kiffer. Au moment de se quitter, ce jour-là, Sandrine posa sa main négligemment sur la hanche de Nadège. Celle-ci, en se retournant pour rejoindre son bureau, sentit distinctement ces doigts indiscrets caresser ses fesses. Elle hésita un instant à se retourner, mais elle continua son chemin. Sandrine lui ouvrait, probablement, la voie vers des relations qu’elle n’avait jamais expérimentées. Elle n’avait lu que quelques histoires, avec des femmes entre elles sur le site qu’elle avait mis en favori, dans son navigateur Internet. Sans vraiment en avoir envie, elle s’était laissée guider par les jeux entre femmes. L’envie d’en apprendre plus devenait plus forte chaque jour.

Elle connaissait évidemment la réputation de son amie, une croqueuse de mâles. Mais cela ne la dérangeait pas du tout. Et même, elle pourrait bien se servir de son appétit insatiable. Sandrine connaissait Cédric, évidemment. Il était souvent venu la chercher à son travail. Et Nadège se remémora qu’un jour, elle avait vu le regard d’envie de son amie vers son mari. Elle n’y avait pas vraiment fait attention, ce jour-là, persuadée de la fidélité sans faille de Cédric. Sandrine était déjà dans la société avant qu’elle-même n’y arrive. Elle avait certainement dû voir Cédric avant elle. Possible même qu’ils avaient eu une aventure, tous les deux. Nadège connaissait bien son mari et il lui avait beaucoup parlé de sa vie d’avant. Avant elle. Elle savait qu’il avait connu des femmes, mais elle n’avait aucun nom, ou prénom. Juste des suppositions. Et Sandrine pourrait bien être l’une de ses anciennes conquêtes. Ou bien, elle l’avait espéré, avant qu’il ne commence à la draguer. Tout était possible. Ce n’est qu’à ce moment-là qu’une idée saugrenue lui vint en tête. Elle avait justement lu une histoire similaire sur le site des histoires érotiques. C’était plutôt insolite, hors des normes mais Cédric souhaitait qu’elle change, qu’elle propose de nouveaux jeux érotiques. Celui-là était un peu contre ses convictions profondes et c’est justement pour cela qu’il fallait qu’elle tente cette nouvelle expérience. Et ce projet n’allait pas du tout contre celui qu’elle avait déjà en tête. Elle occupa son temps libre à peaufiner son plan, imaginant tout ce qui pourrait le faire capoter, et comment y remédier, au cas où. Elle en était certaine, ce week-end de retrouvailles serait inoubliable. Pour lui comme pour elle.

Nadège n’avait pas rompu les conversations avec Vincent. Toujours aussi galant, jamais d’insultes ou de demandes incongrues, c’était vraiment l’homme idéal, même si elle percevait, derrière les mots choisis, qu’il attendait quelque chose de plus de cette relation naissante. Elle avait créé ce profil, uniquement pour croiser la route d’un homme comme lui. Mais il était bien évident pour elle qu’il n’avait jamais été question d’aller plus loin. Le rencontrer, par exemple, pour une séance de soumission, voire même lui laisser lui faire l’amour, était inconcevable. Pas question de tromper son mari, son amour de toujours. Parfois, elle avait tout de même des remords à l’utiliser pour son apprentissage personnel, sans vraiment se soucier de lui. Puis, quand elle y réfléchissait un peu, c’était bien Lui qui voulait l’utiliser, et pas uniquement avec des mots, mais avec des actes concrets. En relisant certaines conversations avec Vincent, elle comprit qu’il avait d’autres soumises, réelles ou encore virtuelles. Elle n’était qu’une brebis au milieu de son cheptel. Évidemment que son but était de la posséder, de Toutes les posséder, chacune leur tour, ou en groupe. D’ailleurs, il parlait souvent de ce qu’il faisait avec ses autres soumises, ou bien de ce qu’il allait faire avec l’une, ou l’autre.

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