LUANA (07/12)

Elle lui demanda de la rayer de ses listes, vu qu’elle avait trouvé un emploi mieux rémunéré. Il n’était pas très content, évidemment, et il se lança dans une diatribe, lui expliquant que cela ne se faisait pas de prévenir tardivement ainsi. Elle était déjà programmée sur deux chantiers de nettoyage et il n’avait personne pour la remplacer en si peu de temps. Luana était désolée, et prête à revenir uniquement pour ces deux missions. Avant qu’elle ne prenne la parole, Chantal intervint. Elle expliqua à Rachid que cela ne le gênait absolument pas de rayer de ses listes des femmes qui étaient disponibles, sans aucun préavis. Elle ajouta qu’elle avait quelques noms de postulantes, prêtes à venir renflouer son effectif. Sur ces bonnes paroles, elle laissa sortir la jeune femme, libérée d’un grand poids. Chantal ajouta que le « droit de cuissage » était aboli depuis longtemps et que, si elle entendait une autre femme se plaindre de lui, de ses avances, elle le mettrait immédiatement en cause en portant plainte contre lui. Il savait bien sûr ce qu’il risquait.

Six mois venaient de s’écouler. Luana prenait sa tâche très à cœur et aucune faute ne put lui être reprochée. Elle avait été immédiatement adoptée par Natty, et donc par la maman, qui se trouvait libérée d’une charge supplémentaire à son travail de prospection. Elle avait repris les rênes de la société d’assurance de son frère, après son décès brutal. Elle était employée par lui au moment des faits. Adrien semblait très heureux de sa présence également. Et Marc était lui aussi satisfait. Il profitait un maximum de sa liberté relative pour recevoir Luana dans son bureau, lorsqu’ils étaient seuls dans la maison. Séances d’essayage, suivies de caresses. Elle était toujours mineure, suivant la loi, et il n’osait pas aller plus loin. Et vu qu’elle non plus n’en demandait pas plus, il se contentait de ces menus plaisirs. Luana, tout comme sa famille, est une catholique pratiquante. Impossible pour elle de cacher à son confesseur ses frasques avec un homme marié. Dès la première fois, le père Doisneau avait entendu sa confession, dans son office, au presbytère. Il préférait ici plutôt que dans le confessionnal, dans l’église. Les pénitents étaient, il l’avait remarqué, beaucoup plus enclins à avouer toutes leurs fautes, en face à face avec l’homme de foi. Il n’avait pas été très tendre avec Luana, lors de son premier aveu. Mais, c’était un homme avant tout et, lorsqu’elle revint le voir, il frémissait d’impatience à écouter sa confession. Espérant presque la continuité de son aventure. Un peu pour la punir, et un peu pour lui aussi, il lui posait des questions précises sur ce qu’elle faisait, ce qu’elle ressentait. Et surtout sur ce que lui, il lui faisait. Il était prêtre, engagé dans sa relation avec Dieu. Il n’avait jamais renié cet engagement. Mais, en écoutant cette toute jeune femme, il visualisait ce qu’il aurait pu vivre, ce que d’autres vivaient au jour le jour. C’était comme si une partie de lui-même, une toute petite partie, vivait un rêve éveillé.

Luana avait évidemment remarqué l’intérêt grandissant de son confesseur pour ses frasques interdites. Ils priaient ensemble pour le salut de son âme. Mais elle ne pouvait renoncer à son amant. Et le Père Doisneau ne le lui imposait pas. Elle vivait dans le péché et elle venait en demander pardon à Dieu, et à son confesseur, chaque semaine. Tout son monde tournait autour des deux hommes, et sa famille restait très présente à son esprit. Les soucis financiers étaient derrière eux, grâce à l’intervention de Marc. La Banque de France avait bien fait son travail de régulation, avait épuré une partie des dettes, ignorant les intérêts parfois faramineux que demandaient les banques, ou les sociétés de crédit. Malgré le plan de surendettement établi par l’organisme bancaire, leur banque, une enseigne bien connue dans notre région, avait outrepassé ses droits en imposant à la famille un prêt, avec intérêts, pour recouvrir leur dette. Si bien qu’au lieu de rembourser 75 euros par mois, elle demandait la somme de 90 euros, sur la même durée de remboursement. Luana en avait fait part à Monsieur le Maire. Il avait étudié les textes pour se rendre compte que la banque était fautive. Le prêt qu’elle avait accordé à la famille, (alors que lorsque vous êtes en surendettement, vous n’avez plus le droit de faire des prêts), c’est une personne de la banque qui a signé à la place des emprunteurs. Monsieur le Maire ne pouvait rien faire directement mais il confia cette tâche à la conseillère qui avait déjà aidé la famille. Celle-ci en a averti immédiatement la Banque de France qui a pris les dispositions qui s’imposaient. Et tout cela se passa sous couvert d’un conflit ouvert entre Monsieur le Maire, qui commençait à préparer sa réélection l’an prochain, et celui qui se présentait comme son principal rival à la Mairie.

L’ancien maire, aujourd’hui simple conseiller municipal, avait indiqué clairement qu’il ne briguerait pas un nouveau mandat. La place était donc libre, mais pas encore attribuée par le parti d’opposition. C’est dans cette ambiance que Monsieur Héron critiquait chaque décision prise par le maire, ou son équipe. Ce n’était pas encore une guerre déclarée entre les deux hommes, mais on était encore loin de l’échéance du mandat. Chacun posait ses pions. Un peu fatigué de ces attaques incessantes, et infondées, Monsieur le Maire resta calme et stoïque. Jusqu’à ce que Luana lui parle de cette faute, commise par la banque de ses parents. Banque qui était dirigée par … Monsieur Héron lui-même. C’était une véritable aubaine pour Marc qui avait enfin un réel moyen de pression sur son adversaire déclaré. La Banque de France avait décidé, et cela était irrévocable, d’annuler purement et simplement la dette contractée par la famille de Luana. Elle avait même imposé à l’établissement bancaire de rembourser immédiatement les sommes illégalement perçues. Cela fit grand bruit dans le milieu bancaire et Monsieur Héron reçut une lettre plutôt désagréable de la part de la Direction Régionale de son enseigne. Lettre qui entra miraculeusement entre les mains de Marc, grâce à une jeune intérimaire, travaillant à ce moment-là au sein de la banque. Marc n’avait évidemment pas le droit d’utiliser directement ce courrier qui aurait dû rester confidentiel. Mais, juste avec quelques phrases bien senties, il avait fait comprendre à son adversaire qu’il avait lu ce courrier et que celui-ci pourrait se retrouver publié dans la presse locale. Les attaques de Monsieur Héron cessèrent presque immédiatement après ces quelques révélations.

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