Je vivais encore chez mes parents à ce moment et ma mère a tout de suite pris les choses en mains. Un peu trop même, je dirais. À peine trois mois après la naissance de Dylan, je passais devant un juge des affaires familiales qui confiait la garde de mon fils à mes parents. Je ne conteste pas le fait que j’étais incapable de m’en sortir seule.
C’est précisément à ce moment que j’ai rencontré Stéphane qui accompagnait son ami dans un groupe de paroles, celui-ci venait de perdre sa femme, décédée des suites d’un cancer. On a sympathisé très vite, tous les trois. Puis j’ai revu Stéphane, seulement lui.
Il était tout ce qu’une femme pouvait rêver. Beau, jeune, athlétique, et il n’était pas dans le besoin, financièrement parlant. La petite fille désinvolte que j’étais avait disparu après la naissance de Dylan. J’aspirais désormais à une vie calme et rangée. Et Stéphane m’apportait cette stabilité dont j’avais besoin pour me reconstruire.
Beaucoup de femmes regrettent secrètement d’avoir donné la vie. Ce n’est pas qu’elles n’aiment pas leur enfant mais les conséquences qui en découlent. L’enfant devient l’attraction numéro un pour le père, ainsi que pour la famille. Elles sont reléguées au second plan. Ce qu’elles pensent n’a d’intérêt que si cela va dans le sens moral de la société.
Les psychiatres et les psychologues pourraient vous en parler bien mieux que moi mais eux-aussi semblent muselés par la bienséance. Même si cela est vrai, cela ne se dit pas. Pour ne pas froisser le plus grand nombre. Pour éviter toute polémique inutile. Pour vivre heureux, vivons cachés.
Cachés, mais au grand jour. Cachés derrière un sourire, un regard avenant. Cachés derrière l’hypocrisie malsaine qui nous oblige à mentir pour être acceptés par le groupe. C’est certainement cette hypocrisie ambiante qui provoque ce mal-être chez beaucoup de femmes, quelques hommes aussi. Mais personne n’ose avouer, s’ouvrir totalement et crier au monde entier ses angoisses et ses peurs.
Moi, je vais oser dire ce que je pense. Je suis seule responsable de cette situation. Je l’ai acceptée. Fini la recherche de coupables. L’alcool, Jordan et même Dylan, je les avais accusés de m’avoir volé ma jeunesse. Après un long travail sur moi-même, j’ai fini par me persuader que la seule responsable, c’était moi.
C’est un premier pas vers la guérison. Le deuxième, pour être exacte. La condition sine qua non pour entamer un processus de guérison, c’est avant tout d’accepter la maladie, le diagnostic. Reconnaître que l’on est malade.
Stéphane et Laura m’ont énormément aidée dans ma phase de reconstruction. Dylan aussi, dans une moindre mesure. Il a très facilement accepté de vivre séparé de moi, je voyais bien qu’il était heureux chez ses grands-parents et, ce que je voulais avant tout, c’était son bonheur.
Petit à petit, j’ai repris confiance en moi, j’ai recommencé à sortir seule, avec des amies. Puis j’ai décidé de reprendre mes études. Inscription à l’université catholique de l’ouest. Malgré mon âge, j’ai très vite été acceptée par les autres étudiantes. Et j’ai finalement obtenu ma licence. J’étais très fière de moi lors des résultats. Stéphane semblait plus sombre et je ne comprenais pas pourquoi.
C’est quand j’ai débuté ma recherche d’emploi que j’ai compris ses réticences. Il aurait préféré me garder enfermée à la maison, pour m’occuper de lui, de sa fille. Il n’a jamais été question du retour de Dylan parmi nous, ni d’un second enfant. Devant ma détermination à trouver un emploi, il m’a laissée faire.
Il aurait pu parler de moi à ses clients mais il m’a laissée me débrouiller seule, espérant sans doute que je change d’avis devant les difficultés. Quand j’ai finalement reçu une réponse favorable, j’ai attendu d’avoir signé mon contrat avant de lui annoncer la bonne nouvelle. Surpris, il a accepté la décision car mon travail se trouvait à deux minutes à pied de l’appartement.
C’était en Septembre 2018. Je suis vraiment ravie de l’accueil qui m’a été fait par mes collègues. J’ai immédiatement trouvé ma place parmi eux. J’étais évidemment moins disponible pour Stéphane et Laura. Réflexion faite, c’est sans doute mon manque de présence auprès d’elle qui l’a rapprochée de moi. Je n’ai pas d’autres explications pour l’instant.
Ses câlins avaient réveillé ma libido. J’étais bien plus sensible aux caresses, aux sollicitations de toutes sortes. Stéphane en était ravi. Moi aussi, je dois dire. Je me sentais tellement bien, tellement désirée. Je me rendais compte que d’autres personnes ne restaient pas insensibles à mon charme retrouvé. Jean-Jacques faisait partie de mes nouveaux admirateurs. Je dois préciser que ce n’est que maintenant que je m’en rendais compte. Il m’avoua plus tard que cela faisait des mois qu’il se morfondait, attendant un signe, un espoir.
Et redoutant en même temps cet instant où il aurait dû choisir entre son meilleur ami et moi. Lui-même ne le savait pas. Il passait souvent de longues soirées à la maison avec ses filles que j’adorais. J’allais très souvent chez lui pour emmener Albane à ses compétitions de tennis. Orlane l’accompagnait très souvent et Laura était également avec nous.
Chaque fois que je me trouvais chez Jean-Jacques, il était présent. Mais on n’était jamais seuls. Aurait-il osé m’avouer, en face à face, les sentiments qu’il nourrissait à mon égard ? Oui, je parle bien de sentiments. Je peux l’affirmer aujourd’hui en écrivant ces lignes. Mais reprenons les choses dans l’ordre.
Stéphane et Jean-Jacques étaient amis depuis la maternelle. Il avait même été témoin de son mariage. Et il l’avait accompagné dans la perte de son épouse. C’est d’ailleurs à ce moment-là que je les ai connus, tous les deux. J’étais moi-même en situation difficile et j’avais besoin de réconfort, d’un homme fort. Et c’est ce que j’ai trouvé avec Stéphane. Si je les rencontrais aujourd’hui, j’aurais hésité beaucoup plus.
La soirée de la Saint-Sylvestre, nous la passons ensemble tous les six. Depuis qu’on se connaît. Les filles sont très heureuses de se retrouver, de se faire belles. Et moi, je suis entourée de deux hommes très attentionnés. Seule ombre à ce tableau idyllique, une toute petite ombre, Stéphane n’aime pas danser, s’exhiber sur la piste devant des inconnus. Je restais alors sur place, près de lui, attendant son bon vouloir.
C’est au cours de la dernière Saint-Sylvestre que, cette fois-ci, j’ai décidé d’accepter l’invitation de Jean-Jacques. Avec l’accord de Stéphane, nous nous sommes éclatés sur la piste de danse. Quand il m’a entraînée pour notre premier slow, je n’ai pas résisté. Serrée dans ses bras, j’étais comblée.
Mais lui aussi semblait vraiment apprécier ce corps contre corps. Il faut dire que je portais une magnifique robe noire, dos nu, jusqu’au ras des fesses. Devant, très échancré. Sans SG, bien évidemment. Je sentais ses doigts sur ma peau, sa chaleur. Et il bandait outrageusement. Je le prenais comme un hommage à ma beauté.