Nous sommes restés longtemps, imbriqués l’un dans l’autre. Je ne débandais pas, les sens toujours aiguisés par les caresses de ses muscles internes. Je pouvais enfin l’embrasser après l’amour. La cajoler. Lécher ses seins merveilleux qui pointaient fièrement vers le plafond. Lorsqu’elle m’a enfin libéré, je me suis allongé à ses côtés. J’étais vraiment au paradis et je voulais y rester. Tournant lentement la tête vers elle, je lui demandais.
« Malika. Veux-tu devenir ma femme ? »
J’ai senti son trouble, avant qu’elle ne se mette à pleurer. De joie, bien sûr. Je ne suis pas dupe, en me faisant cadeau de son corps, de sa virginité, elle avait accompli un engagement envers moi, celui d’être à moi. Pour la vie. Ma demande en mariage était la réponse à son acte. Nous étions tous les deux sur la même longueur d’onde. Nous avons refait l’amour, encore une fois. Plus intensément encore. C’était magique. Depuis ce jour, notre vie a changé du tout au tout. Nous avons difficilement récupéré les documents nécessaires pour publier les bans dans notre nouvelle commune. Madame la Maire était ravie de célébrer enfin un mariage dans une commune vieillissante. Les trois semaines qui ont suivi ont été riches en événements. Le plus merveilleux, c’est lorsque Malika m’a appris qu’elle était enceinte. La date de notre mariage était déjà fixée. En Octobre. Nous aurions des amis et ma famille. Elle a réussi à tenir tête à son père lorsqu’elle lui a annoncé qu’elle se mariait. Avec un français. Non musulman. Cela a sûrement été la goutte qui fit déborder le vase, mais il renia sa fille en hurlant qu’il ne voulait plus jamais entendre parler d’elle. Qu’elle était indigne de porter son nom. J’étais près d’elle lorsque Malika reçut les invectives de son paternel. Bien sûr que je ne comprenais pas un seul mot, mais elle était dans mes bras, je la rassurais. Je lui affirmais que moi, je resterais toujours auprès d’elle, tant qu’elle voudra de moi.
Cela sembla lui donner la force de répondre à son père, que c’était lui, le père indigne, qui avait voulu vendre sa fille à un total inconnu, sans tenir compte une seule seconde de ses ambitions à elle. Personne dans la famille n’avait jamais osé lui parler sur ce ton. Il était beaucoup moins véhément en toute fin de la conversation. Je n’étais évidemment pas près de lui mais je suis presque certain qu’il était au bord des larmes. Malika avait encore deux autres sœurs, bien plus jeunes. Elle demanda à son père de ne pas commettre les mêmes erreurs avec elles. Et elle raccrocha avant de lui laisser le temps de répondre. Malika avait, depuis cet appel houleux, décidé d’adopter définitivement les coutumes européennes. Et françaises. Pour commencer sa nouvelle vie, elle souhaita se faire teindre les cheveux en blond. Je la soutenais dans tout ce qu’elle entreprenait, sans condition. J’étais heureux. Nous étions heureux et nous formions un véritable couple. Le mariage se passa divinement bien. Entourés de nos amis et de ma famille. J’avais invité tous les habitants du village pour le vin d’honneur, dans la salle communale. Ce sont principalement des hommes qui sont venus pour fêter cet évènement. Quelques femmes aussi qui semblaient très contentes d’accueillir une nouvelle tête dans leur petite communauté. Les jours et les semaines s’écoulèrent paisiblement, jusqu’à la naissance de notre fils.
Après quelques discussions un peu animées, nous avons choisi Nylann comme prénom pour notre enfant. Elle voulait un prénom typiquement français, Jean ou Pierre. Je souhaitais un prénom hors du commun, pour un enfant qui le serait certainement. De mémoire, ce fut notre unique dispute, si on peut appeler ça une dispute. La vie s’écoulait gentiment, remplie de moments de bonheur. Malika avait réussi à obtenir un rendez-vous avec sa maman, qui voulait connaître son petit-fils. La rencontre eut lieu près de la gare La Part-Dieu, dans une grande brasserie. J’étais évidemment avec ma femme et notre fils. Farah et Aziza, ses deux petites sœurs, étaient là, elles aussi. Très heureuses de faire connaissance avec leur neveu. Farah avait dix ans, Aziza seulement huit ans. Elles lui offrirent un bracelet que Farah avait fabriqué spécialement pour lui. Au fil de la discussion, nous avons compris que son père avait perdu presque toute autorité sur sa famille. Il laissait faire beaucoup plus de choses que précédemment. De mon côté, j’avais un bon salaire et, avec les primes de nuit, cela nous permettait de vivre sereinement sans que Malika ne soit obligée d’aller travailler.
J’ai invité un collègue de travail à venir passer la soirée à la maison. Il vit seul et c’était aujourd’hui son anniversaire. Je ne l’ai appris que ce matin, quand il a apporté des viennoiseries pour ses collègues de travail. Une fois que tous les autres sont repartis, nous sommes restés seuls à discuter. Je sentais qu’il en avait un énorme besoin. On travaille avec des personnes dont, souvent, on ne sait rien, ou juste ce qu’elles veulent bien nous dire. Que ce soit vrai ou faux, si on n’a aucun moyen de le vérifier, on est bien obligé de croire ce qu’on nous dit. Et, au final, cela nous arrange très bien, la plupart du temps. C’est donc en discutant avec lui que j’ai appris qu’il venait d’avoir trente ans, aujourd’hui, et qu’il vivait seul dans une grande maison, héritée de ses parents. Ni frère, ni sœur, juste un oncle éloigné qui vit près de Tarare, dans le Rhône.
Quand je lui ai demandé ce qu’il faisait de spécial, ce soir ou ce week-end, pour fêter son anniversaire, il me dit qu’il n’avait absolument rien de prévu. C’est pour cette raison que je l’ai invité chez moi. Nous sommes vendredi, pas de travail demain. Je devais juste prévenir ma femme que nous aurions un invité, le soir même, pour ne pas la prendre au dépourvu. Nous avons quelques amis que nous voyons régulièrement, mais son plus grand regret, c’était d’avoir perdu le contact avec sa famille, tunisienne, qui lui reprochait d’avoir épousé un français. Je lui envoyais donc un SMS et elle me répondit qu’elle ferait avec ce qui restait dans le réfrigérateur.