La Comtesse d’Orgemont trois (01/10)

Je vous avais sans doute précisé que Ludivine était une sportive accomplie. Du moins, avant cette fatidique soirée qui l’avait changée à jamais. Mais doit-on dire pour « toujours » quand on a vingt ans, ou presque ? Toujours est-il que depuis notre visite dans l’atelier informatique, elle avait repris ses séances de fond et d’autres, en salle. Et bien sûr, sur la glace, c’était sa passion.

Elle s’entrainait telle une furie, pressée de retrouver son corps et la forme physique qu’elle avait avant l’été dernier. Les tours de pistes s’enchainaient sous les regards admiratifs d’une équipe de rugby qui s’entrainait sur le terrain de ce stade. Elle finissait souvent son entraînement en même temps que l’équipe et tous allaient prendre leur douche.

Pas ensembles, je vous rassure. Même si je suis certaine qu’elle ne risquerait rien avec le groupe de colosses. Je peux vous l’affirmer car je les ai rencontrés, bien plus tard, et ce sont tous de gentils nounours avec les femmes. Et avec les enfants. J’avais été invitée, en fin d’année, à l’arbre de Noël de leur club sportif et j’y étais allée avec Dylan, mon fils.

J’avais contacté le DJ pour une soirée, hypothétique, que je devais organiser. J’avais donné l’adresse de l’appartement que Jean-Jacques m’avait laissé à disposition pour des locations passagères. Ludivine serait bien évidemment présente mais il nous fallait un bon moyen de pression pour le persuader, pour qu’il nous révèle tout ce qu’il savait sur ladite soirée.

On avait donc convenu, ensemble, de demander de l’aide à un ou deux colosses, juste besoin de leur présence, et d’une attitude plutôt patibulaire pour le DJ, afin de l’effrayer suffisamment et ne pas avoir à utiliser la force. Je l’avais donc rejointe sur le stade et j’avais attendu sur les gradins la fin de son entraînement. Elle est arrivée près de moi en sueur et je l’ai couverte de sa serviette avant qu’elle j’attrape froid. Direction, la douche. Sous le regard goguenard des rugbymen qui rentraient au vestiaire, eux aussi.

Elle a pris sa douche rapidement afin de pouvoir poser sa question à ces gros nounours. J’exagère un peu, ils ne sont pas tous gros mais ils sont vraiment impressionnants. À côté d’eux, je me sens toute petite, faible et démunie. Il exhale d’eux une force presque magique, indescriptible mais pourtant rassurante. Une puissance divine sous des gestes de tendresse.

Je l’ai évidemment accompagnée jusqu’au vestiaire des hommes où ils étaient déjà pratiquement prêts à repartir. Ludivine a pris sa voix la plus douce pour expliquer qu’elle avait besoin de l’aide de l’un d’eux, ou de plusieurs. Pour « jouer » quelques heures, ses gardes du corps personnels. L’idée sembla plaisante à tous ceux qui étaient présents et elle expliqua succinctement ce qu’elle attendait. Trois hommes se levèrent pour donner leur nom et numéro de téléphone.

Sur le parking, nous parlions ensemble du piège que nous devions préparer quand un autre rugbyman s’approcha et posa également sa candidature. Nous allions partir lorsqu’un autre en fit de même. Il n’avait pas voulu s’exprimer devant toute l’équipe, ce qui expliquait pourquoi il venait bien après les autres.

Pour finaliser notre projet, nous devions coordonner nos horaires, nos disponibilités. Je finis par poser une journée de RTT pour arrêter une date. Trois des rugbymen étaient disponibles pour ce rendez-vous. Ils arrivèrent ensemble et je leur expliquais, avant que Ludivine n’arrive, ce que nous attendions exactement de cette confrontation.

Ludivine arriva cinq minutes avant le DJ. Elle avait rejoint ses gardes du corps dans la chambre voisine. Je fis entrer le jeune homme et lui demandais de s’asseoir sur une chaise, au centre de la salle à manger. Je marchais tout autour de lui en lui exposant mon projet, factice. Il sortit un carnet de son sac pour analyser ses week-ends disponibles. Tout en consultant son agenda, il me demanda, innocemment, comment j’avais eu son numéro de téléphone.

C’est la question que j’attendais.

« C’est mon amie, Ludivine, qui m’a parlé de vous ».

Il était convenu qu’elle entre dans la pièce à ce moment précis, accompagnée de ses ombres. Le jeune homme eut un instant de surprise, bien compréhensible puisqu’il pensait que nous serions seuls.

« Reste assis ».

L’ordre sortit de ma bouche, impérieux et menaçant. Deux des rugbymen firent un pas en avant et il se recroquevilla sur sa chaise.

« Qu’attendez-vous de moi ? ».

Il avait compris le message.

« Regarde bien mon amie. Tu l’as déjà vue. Lors de l’une de tes soirées. Nous voulons juste savoir chez qui cela se passait cette soirée, et qui était les personnes présentes ».

Je voyais bien qu’il était prêt à répondre qu’il ne pouvait pas reconnaître chaque participant aux soirées qu’il animait, un peu pareil pour les lieux et les organisateurs de ces mêmes soirées. Puis, il fixa un peu plus intensément le corps gracile de Ludivine, revenant immanquablement vers son visage et je sus qu’il l’avait reconnue. Avant qu’il ne l’affirme lui-même. Les images revenaient peu à peu dans sa mémoire.

 » Oui, il me semble bien l’avoir vue au cours d’une soirée que j’animais. C’était en Juin, il me semble, au moment de la Fête de la Musique, je me rappelle. Si je m’en souviens, c’est qu’elle a fait un super show en fin de soirée. Avec tous les mecs encore présents ».

Nous y voilà. Il reconnaissait les faits, du moins, tels qu’il les avait vécus. Pour lui, elle avait allumé les derniers mecs présents et elle s’était laissée prendre par ceux qui voulaient bien. Lui, n’avait semble-t-il pas été invité à participer et avait continué à mixer pendant qu’elle se faisait baiser par tous les mecs. Jamais, il ne lui est venu à l’idée qu’elle n’était sans doute pas consentante. Pas réellement.

« Et donc, où se passait cette soirée et qui en était l’organisateur ? Connais-tu les garçons qui ont participé à ce VIOL ? Car c’est bien de cela qu’il s’agit. Mon amie a été droguée, puis abandonnée dans un abribus après avoir été violée par eux ».

Il mit un peu de temps à répondre, suite à cette révélation. Un VIOL.

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