Olivia se lève, comme tous les jours, de très bonne heure. Cinq heures trente, il ne lui faut pas trainer pour être à l’heure pour prendre le car. Comme toujours, elle commence par prendre sa douche, ses vêtements sont déjà préparés de la veille, c’est un rituel chez elle. Elle prend ensuite son petit déjeuner, un café accompagné d’une des madeleines qu’elle fait elle-même, un jus d’oranges pressée. Avant de sortir de chez elle, elle se regarde toujours dans la psyché, placée dans son entrée. Sa tenue est correcte, elle peut enfin sortir.
Olivia travaille dans une administration départementale. Vu qu’elle habite assez loin de son travail, elle prend sa petite voiture pour rejoindre la gare routière, à environ vingt kilomètres de sa maison. Le bus qu’elle prend habituellement part à sept heures de cette même gare routière et arrive près de cinquante minutes plus tard à destination. Même là, il lui reste encore quinze minutes de marche à pied pour rejoindre la cité administrative et le bâtiment où elle travaille depuis deux ans déjà.
Deux ans déjà que ce rituel immuable règle sa vie bien rangée. Avant cela, sa vie était tout autre. Après de brillantes études, elle avait décidé de devenir enseignante. Elle avait choisi le français, et c’est ce qu’elle a enseigné pendant des années. Dans un collège public, au début de sa carrière, elle avait exercé dans différents établissements, dans plusieurs régions de France et de Navarre. Son retour dans sa région de préférence a été aussi un choix de carrière puisqu’elle avait opté pour un collège privé.
Elle y a exercé presque dix ans d’affilée. Et elle y serait sûrement restée si une déception amoureuse, avec l’un de ses collègues déjà marié, ne l’avait affaiblie. À la rentrée suivante, elle ne supportait plus les remarques acerbes de certains de ses collègues masculins et pour finir, ne supportait plus les élèves de plus en plus turbulents et incorrects. Elle est tombée en dépression nerveuse, un burnout comme on dit maintenant, et il lui a fallu du temps pour se reconstruire, toujours seule. Après un retour de quelques semaines dans son administration de tutelle, elle était partie en détachement dans cette administration départementale qu’elle avait choisie.
Olivia est une très belle femme, plus toute jeune certes, mais elle a su rester coquette malgré les années. Dans sa tenue, principalement. Toujours en robe ou en jupe, été comme hiver, où elle ajoute une paire de collants (ou de bas nylon ?). Son arrivée dans son nouveau travail n’a pas été à la hauteur de ses attentes. Elle qui pensait que travailler avec des adultes serait plus simple, c’était sans compter sur la complexité humaine. Pour quelle raison ? Elle n’en a qu’une vague idée. Tous étaient issus de la fonction publique d’état et certaines réflexions à son égard lui ont fait penser que c’est cela qu’on lui reprochait.
Ce qui en a résulté, c’est qu’elle s’est fermée totalement, pour se protéger, et du coup son attitude a fait croire à tous qu’elle dédaignait ses collègues alors qu’il n’en était rien. Bien au contraire. Elle a très longtemps cherché à se faire des amis dans son nouveau travail, mais en vain. Mis à part Henriette, une femme qui avait sensiblement son âge et qui travaillait à l’accueil de ce même bâtiment. Elles prenaient le bus ensemble, à la même heure, et elles faisaient le reste du chemin à pied, côte à côte, jusqu’à la porte du bâtiment. Et, dans la journée, elles trouvaient toujours le temps de boire un café ensemble, dans un bureau ou dans l’autre.
Olivia avait gardé contact avec quelques amies, toujours professeures, mais il est vrai que la solitude au quotidien commençait à lui peser. Elle vivait seule depuis (trop) longtemps et l’arrivée de la vieillesse, la peur de finir sa vie, seule, lui donnait des idées noires, parfois. C’est au hasard d’une rencontre dans un couloir, un peu plus étroit que les autres, qu’ils se sont retrouvés serrés l’un contre l’autre. Loin de refuser ce premier contact physique, elle se serra encore plus contre lui, ne tardant pas à vérifier les effets directs que cette promiscuité pouvait procurer à son nouvel ami. C’est précisément ce jour-là qu’elle a pu se rendre compte à quel point les contacts humains lui manquaient.
Lui, il s’appelle David, c’est un technicien informatique nouvellement arrivé dans le bâtiment. De ce premier contact, il n’en a nullement profité. Pourtant, elle aurait accepté beaucoup plus que la bienséance ne l’aurait voulu, mais ça, il ne le savait pas encore. Ils se sont revus dès le lendemain, lorsqu’il est venu installer son nouvel ordinateur portable dans le bureau qu’elle venait d’intégrer. En effet, une restructuration du service l’a éloignée encore plus de ses collègues. Précédemment, elles étaient deux dans un petit bureau. Désormais, elle se retrouvait toue seule dans un bureau qui aurait pu contenir trois agents. Ce nouveau bureau était complètement isolé des bureaux de ses collègues. Loin de tout, sauf qu’il était tout proche du bureau de David, son nouvel ami.
Car oui, elle le voyait comme un ami déjà. Elle fut rapidement séduite car elle y voyait sa planche de salut avant de sombrer dans une nouvelle déprime, due à la solitude. Il comprend très vite qu’elle se sent seule, délaissée, mise au rebut presque. Il installe son ordinateur tandis qu’elle ramène ses affaires, sa plante verte, sa cafetière à dosettes. Elle lui propose d’ailleurs un café, ce qu’il accepte volontiers. Une fois l’ordinateur installé, il lui explique les subtilités de son nouvel outil de travail. Comme c’est un ordinateur portable, elle peut donc l’emmener chez elle pour travailler à distance, c’était les prémices du télétravail. Un tunnel VPN lui permettait de se connecter, de chez elle, à son environnement de travail, comme si elle était présente au bureau.
Elle lui servit son café et s’installa à son bureau pour prendre ses marques. Lui, il prit place, assis sur l’autre bureau, qui restera ainsi, inoccupé. Ils discutèrent ensemble de choses et d’autres en buvant leur café. Et il revint chaque jour boire son café avec elle, toujours assis sur le bureau, tandis qu’elle était installée sur son fauteuil, lui faisant face. Elle, qui était plutôt autoritaire dans ses fonctions professorales, se retrouvait un peu démunie devant le charisme de cet homme. Il ne demandait rien, n’imposait rien mais malgré tout, elle se sentait prête à lui obéir en tout point. Il n’en profita pas pour autant. Il attendait le moment propice. Et ce jour-là arriva sans prévenir. Comme à son habitude, elle était assise face à lui quand il lui fit signe d’écarter les jambes.